Deux variations sur le registre du portrait inscrivent de façon originale les marques du temps sur des visages connus ou anonymes : les photographies en grand format de moulages en plâtre dialoguent avec des portraits dont la surface des tirages a été accidentellement endommagée. Dans un entretien publié en 2001 à l’occasion d’une exposition à la Glyptotek de Copenhague, Torben Eskerod s’exprime sur le genre du portrait, son rapport à la mort et sa conception de la photographie.
« Je suis d'accord avec Auguste Rodin lorsqu'il dit que le portrait est l'un des genres les plus difficiles qui soit. J'ai toujours été fasciné par Alberto Giacometti et Medardo Rosso, par leur capacité à condenser la pratique du genre ; il est difficile de décrire cela avec les mots, mais cela me touche en pleine poitrine. Les portraits de Giacometti témoignent d'un désir de limiter l'expression et le sentiment, d'une sorte de fléchissement au moment où se confrontent l'apparence et la disparition. C'est ce qui représente à mes yeux le défi de la photographie de portrait. […] La mort est toujours pour moi au coin de la rue, car elle fait inextricablement partie de la vie. À Rome, j'ai travaillé surune série de portraits à partir de pierres tombales. L’exploitation de ce thème se fait en réalité à travers l'objet lui-même, dans le document. Les portraits sont réalisés à partir des reflets du verre et montrent les effets de l'usure du temps. Je ne travaille pas comme un créateur de décors de théâtre ; je ne peux pas mettre les personnes que je photographie dans des décors. Cela illustre peut-être la différence entre mon esprit scientifique et le rôle d’un réalisateur de films. […] La sphère technique fait naturellement partie de mon travail. Je considère l'appareil photo comme une machine qui me permet d'entreprendre une forme d'investigation scientifique. C'est là qu'intervient l’éducation que j’ai reçue. Je travaille dans cette zone d'échange fertile entre la science et l'art.»
Damaged Portraits, 2011
Ulla Poulsen Skou, Life and Death Masks, 2001
Karen Blixen, Life and Death Masks, 2001
Johannes V. Jensen, Life and Death Masks, 2001
BjØrn BjØrnson, Life and Death Masks, 2001
Courtesy Fotografie Forum, Frankfurt & Alison Nordstrom
Torben Eskerod
est diplômé de l'université d'Aalborg (1980-86) et a étudié à l'école d'architecture d'Aarhus puis à l'école de photographie Fatamorgana de Copenhague (1988-91). Les projets d'Eskerod trouvent leur point commun dans son intérêt pour la contemplation et la spiritualité. Il est particulièrement connu pour ses portraits dans des séries comme Equivalence (1995), Cassadaga (2000), Register - Life and Death Masks (2001), Friends and Strangers (2006) et Campo Verano (2008). Son approche des potentiels spirituels de la photographie est approfondie dans les séries Marselis (2012) et Can Lis (2013). Le travail d'Eskerod a été publié dans les livres Ansigter / Faces (prix du livre photographique du ministère de la Culture, Forlaget Rhodos, 1997), Register (Ny Carlsberg Glyptotek, 2001), Campo Verano (Kehrer Verlag, 2008) et Marselis (Kehrer Verlag, 2014). Eskerod est également éditeur photo du magazine Daylight & Architecture publié par Velux. Eskerod a exposé à la National Portrait Gallery de Londres, à la Scottish National Portrait Gallery d'Édimbourg, au musée Andy Warhol de Pittsburgh, au musée d'art moderne de Moscou, au Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, à l'Overgaden Institut for samtidskunst de Copenhague, à la Blue Sky Gallery de Portland, à la Peter Lav Gallery de Copenhague et à la Yossi Milo Gallery de New York. Le Fotografie Forum de Francfort vient de lui consacrer une importante rétrospective sous le titre Findings.
Torben Eskerod
Né en 1960
Vit et travaille à Copenhague
Représenté par la galerie Kant, Copenhague